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Les larmes d'Eros
2015-2019

Dans la série picturale « Les Larmes d’Éros » [2015] qui fait écho au dernier livre de Georges Bataille, l’artiste mêle l’extraction de la rose aux effets immédiats de l’eau et du feu. La fleur est écrasée, brûlée, mise à détremper pour en recueillir un jus, mêlée à l’acrylique, au pigment ou à l’encre. Seules les traces sensuelles et charnelles de ses passages fugaces nous sont données à voir. Gestes, éraflures, griffures, empreintes et ratures, taches, projections, imprégnations et coulures émanent d’une intention primitive et primordiale. Quentin Derouet donne à voir l’essence même de la peinture. La rose est utilisée pour ce qu’elle est : une couleur-matière. Elle est écrasée sur la toile par des gestes simples, instinctifs, premiers, où la main de l’artiste apparait comme une empreinte primitive. Brûlée, elle donne naissance à des traits charbonneux. Détrempée, son jus est déversé avec retenu sur la toile. Ce retrait prend ses sources dans l’Art minimal et conceptuel ou le Land Art qui ne cessent de donner à voir ce qu’ils sont, qui ne cessent de ne renvoyer qu’à eux-mêmes dans une neutralité spécifique. De cette retenue, Quentin Derouet tire, à l’instar de Gérard Gasiorowski ou Cy Twombly, une véritable érotique. Souvent, une fois l’œuvre achevée, l'essentiel de la surface de la toile non apprêtée reste vierge : annotation, trace, échantillon, cartographie. Parfois, la toile saturée, imbibée de couleur-matière évoque les aspérités de la croute terrestre. À travers l’espace et le temps, l’artiste explore des données immédiates : l’intensité, la couleur, le rythme ; l’apparition, la suspension, la rupture.

Rebecca François 2016

Attaché de conservation au Musée d'art moderne et d'art contemporain de Nice

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