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La fête du plus jamais
2013

Archive du texte de l'installation 2013 :

Pour le concours des Beaux-Arts de Grenoble je devais présenter dix photographies.

Je me suis rendu à la cascade de la Pisserotte près du village où habitaient mes parents.

Impossible de me rappeler comment l’idée m’est venue mais je suis monté à la chute d’eau pour prendre une photographie.

Sans me poser de question, j’ai grimpé par le bois, arrivé au ruisseau je l’ai descendu pour parvenir au plus près de la falaise. À plat ventre dans la rivière, mes pieds encerclant un petit arbre, j'avais la tête dans le vide, les bras tendus pour photographier la chute d'eau de trente mètres née de la fonte des neiges.

J’ai réussi le concours des Beaux-Arts sans cette photographie. Je ne l’ai pas trouvée réussie, alors que maintenant, j’estime qu’une photo ne peut pas être loupée.

 

Les mois qui suivirent, j’envisageais souvent un éventuel faux pas du haut de cette cascade. Je songeais viscéralement la possibilité d’un plus jamais, ma poitrine se serrait et j’avais peur.

 

J'y suis retourné au printemps dernier, avec la conviction que plus jamais je ne reprendrai un tel risque, pour et sous aucun prétexte artistique.

 

Nous nous sommes enlacés comme nous avons pu, sous la cascade.

Un ami a pris une photographie.

 

Je savais que sept ans auparavant mes pieds auraient pu lâcher prise ou le petit arbre casser. Plus jamais sentir l’eau, plus jamais de rencontre, plus jamais une photographie.

 

Sous la cascade, agrippé à l'autre, il n’était pas question de plus jamais, juste de l'eau froide qui tombe violemment sur deux corps. Une eau qui glace, ou plutôt qui ralentit la réflexion, comme si nous étions obligés de vivre cet instant, comme si nous étions obligés de chaque instant.

 

 

J’ai décidé alors qu’il fallait le fêter, fêter ma décision de toujours faire passer l’art après. Après quoi... je ne sais pas vraiment, mais après. Fêter surtout le fait d’accepter que la mort sera la plus forte. Eloigner la peur en général, et l’angoisse de la mort. L’éloigner par amour et avec une eau glacée qui tombe violemment sur le corps.

 

La fête du plus jamais aura lieu le 22 mars 2014 à la cascade de la Pisserotte.

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